Pérou chantier…
Au Pérou, nous avons vu des merveilles du passé, enchâssées dans des merveilles naturelles, des ruines
aux pierres ajustées, rigoureusement alignées, taillées, préparées, des
constructions soigneusement adaptées à leur environnement, qui épousent les
montagnes… Il y avait un souci évident d’esthétisme en plus de l’aspect
pratique, fonctionnel, et même antisismique grâce à l’architecture trapézoïdale
de ces bâtiments.
Au Pérou, nous avons aussi vu les horreurs de présent, toutes les
banlieues, quartiers extérieurs et toutes ces villes qui semblent pousser comme
des champignons, des champignons vénéneux ! Aguas Calientes, au pied des
ruines les plus célèbres, Juliaca, près du lac Titikaka, Ilave, près de la frontière bolivienne,
capitale du pays Aymara, sont toutes d’immenses chantiers habités. La technique
de construction est simple : Sur une dalle de béton on élève des piliers,
on coule une nouvelle dalle, puis on remplit les murs avec un briquetage léger,
on laisse des ouvertures fermées avec des portes en tôle, une sorte de
plexiglas fumé ou peut être du verre très fin pour les fenêtres et hop !
Le rez-de- chaussée est habitable ! Bien sûr on prévoit des fers à béton
pour les étages futurs : Ils dépassent de plusieurs mètres des piliers
existants, on les réunit en bouquet et on plante un joli seau en plastique
dessus pour les protéger. Jamais de crépi, de toiture terminée, tout est
toujours inachevé et néanmoins habité. Les antennes de télévision qui hérissent
ce qu’il faut bien appeler les toits, sont là pour le prouver, ainsi que les
étendages qui mettent la seule note de couleur gaie. A Juliaca, une grosse
ville, autour de trois cent mille habitants le plan d’urbanisation est
ahurissant. De grandes avenues traversent la ville, elles sont larges et ont en
leur milieu une allée piétonne qui serpente, avec des abribus, de jolis
luminaires et même je crois des panneaux décoratifs ; c’est bien n’est ce
pas ? Mais voilà, de chaque côté c’est un chantier ! Les voies ne
sont que partiellement goudronnées, les véhicules circulent dans une anarchie
complète dans la boue en zigzaguant pour éviter les nids de poule qui jalonnent
leur trajectoire… L’allée piétonne est vide, inutile, inaccessible…En bus, nous
avons mis une grosse demi-heure pour traverser la ville. Je crois que je n’y ai
pas vu une seule maison terminée… Chaque rue, chaque aspect de la ville est le
même, une perspective de briquetage mal finis, des terrasses encombrées de
tôles, d’étendages, hérissées de fers à béton, des escaliers sans rampe, qui
débouchent sur rien, des rues, ruelles, non revêtues, sales, dignes des villes
africaines, la chaleur en moins . C’est une vision d’une tristesse infinie, que
cette attente indéfinie d’un futur meilleur, que cette absence définitive de
beauté, du moindre élément destiné à rendre joli, propre, agréable à voir… Que
sont devenus les incas ? Leur rigueur, leur sens de l’organisation ?
Leurs descendants qui portent aux nues leurs soi-disant ancêtres
feraient bien de s’en inspirer un peu, pour rendre avec les techniques
actuelles leurs villes plus confortables, plus agréables à voir.