Lever de soleil sur Angkor Vat |
Les « Chapsailleurs »
ont observé une journée ou deux de silence, le cœur était ailleurs, la tête un
peu aussi. Et pourtant, pourtant, Angkor !
Encore un nom mythique… Un nom à
faire rêver… Notre première approche du site devait se faire vendredi, un
vendredi gravé en noir dans nos têtes, c’était le jour des obsèques d’Hélène. Vendredi à cinq heures du matin, pour voir le soleil se lever… Une
légère contraction de l’humanité, un infime pincement, un retrait minuscule, a
déréglé le ciel d’Angkor. Le ciel s’est mis à pleurer sur les temples sacrés et
s’est déchainé dans de sourds grondements de colère. Le soleil ne s’est pas
levé, ce jour là, il est resté longtemps enfoui dans sa lourde chape grise.
Nous nous sommes recouchés et avons changé notre programme.
Angkor se mérite, il faut braver
la chaleur, la foule, les escaliers rebelles, et la surchauffe de la carte
bleue ! Angkor se mérite, mais se révèle vraiment magnifique, un site, ou
un ensemble de sites absolument sublimes. Car Angkor est immense,
gigantesque ! Certains temples qui en font partie se situent à plus de
soixante kilomètres du joyau Angkor Vat, le plus célèbre, le plus visité,
l’icône et le symbole du Cambodge. Alors, il faut s’organiser, choisir, car on
ne peut tout voir.
On passe donc par des circuits
préétablis, conçus pour montrer le maximum de monuments intéressants avec le
moins de déplacements possible. Le circuit court, d’une journée, se contente des joyaux les plus connus, le
circuit long s’effectue lors d’une deuxième journée et montre des temples ou
bâtiments assez proches du cœur.
Nous avons pris un forfait trois jours qui
nous permet en supplément de visiter un trésor plus éloigné. Les déplacements
se font en tuk-tuk, sauf pour les chinois et les coréens qui se déplacent
plutôt en troupeaux de bus ! Notre
conducteur de tuk-tuk, Mr Phally, contacté tout simplement par le biais de
l’hôtel, nous trimballe d’un endroit à l’autre, nous attend, nous extrait des
files de bus et de motos, nous ramène enfin
à l’hôtel pour prendre une douche
longuement attendue.
Vendredi, donc, nous avons
commencé plus tardivement, par le circuit long. Le ciel était bas, mais la
pluie s’était arrêtée.
Preah Khan s’offre à nous… Ce n’est pas un temple, mais
une ville, avec un temple au milieu ! Bien sûr, tout est en ruine, la
majeure partie des bâtiments ne sont plus qu’un gigantesque amas de pierres,
mais restent encore debout des portes majestueuses entièrement gravées, de
longues galeries aux fenêtres garnies de colonnettes en pierre tournée, et des
bas- reliefs partout, finement ciselés, des effigies de Brahma, Krishna et
Vishnou car les Khmers qui ont édifié Angkor étaient des hindouistes avant de
se consacrer à Bouddha. On passe d’une cour à une galerie, d’un espace à un autre dans cette grande cité, où le moindre recoin est travaillé, orné des symboles religieux et de l’histoire des divinités.
A ce propos, je n’ai pas reçu
beaucoup de propositions pour ma recherche de divinité au nom peu sûr… Seule ma
vieille maman a effectué des recherches, mais ses travaux n’ont pas abouti à la
bonne réponse !
Apsaras |
Le nom de ses divinités est « Apsara » ce
sont des nymphes issues de l’Océan de
lait après son barattage par les démons et les demi-dieux… Cet épisode
mythologique fait la une des bas-reliefs ! Les Apsaras sont des déesses
gracieuses, je n’ai pas eu la chance d’en voir une réellement, mais en statues elles sont vraiment belles !
Donc Preah Khan. Nous errons
parmi ces ruines grandioses, nous extasiant devant des gravures sur un bloc de
pierre émergeant d’un amas, devant un
linteau représentant Vishnou, enserré dans les bras d’un grand banian. Le
végétal s’infiltre, croit, repousse les pierres sculptées, recouvre les ruines
de toute une végétation tropicale. Il nait de cette alliance imprévue une sorte
de magie poétique, une communion destructrice, le trait gravé se prolonge en
liane, les racines des grands arbres plongent au sein des murs éparpillant les
symboles qui s’érodent lentement…
Le petit circuit, effectué
dimanche, prolonge cette impression. Après l’image iconique du lever de soleil
sur l’Angkor Vat, on visite ce pur bijou. On suit d’immenses galeries
parfaitement conservées, qui d’un côté ouvrent sur la forêt, en partie déboisée
il faut le dire, et sur le mur d’en face courent d’immenses fresques contant l’histoire
des dieux, de leurs avatars, de leurs batailles et de leurs triomphes. Huit
cent mètres de gravures d’une finesse et d’une richesse incroyable !
On
grimpe des étages, on redescend, remonte de l’autre côté, partout des statues,
des bas- reliefs, on en ressort ébloui, longtemps après…
Les temples qui
suivent, souvent moins bien conservés, ont tous gardé des attraits, des
particularités qui leur confèrent à chacun un charme différent. Un des
derniers, le Ta Phrom, illustre à merveille l’osmose entre la pierre et le
végétal. De grands fromagers ont poussé de leurs graines germées entre les
pierres, leurs racines, comme d’immenses tentacules, embrassent Vischnou,
enlacent les Apsaras, broient lentement les lourds blocs de pierre dans leur
inexorable étreinte.
Cela, c’est le beau côté, celui
qu’il faut garder, mettre en avant, cette merveille créée par les hommes il y a
autour de mille ans. L’autre côté, celui qu’il faudrait oublier, ce sont les
hordes de visiteurs qu’il faut affronter, qui déferlent sur tous les sites, les
envahissent en groupes compacts suivant leurs guides, bloquent les accès, les
galeries, et imposent leurs innombrables selfies aux vénérables pierres. Ce
sont en immense majorité des asiatiques, et, parmi ces asiatiques, il y a une
immense majorité de chinois qui ont investi en force tous les grands sites
touristiques de l’Asie du Sud Est. A Siem Reap ils ont leurs hôtels, leurs
commerces, leurs bus… Dommage qu’ils n’aient pas aussi leur Angkor !
Au retour de l’éreintante
journée, commence le tri des photos et le choix des mots pour raconter, et je n’en
retiens finalement que l’émerveillement. C’est à ce jour le plus bel ouvrage
humain que j’aie jamais vu….
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