Nous sommes au Cambodge depuis
quelques jours, un très court séjour, principalement pour visiter Angkor, LE
site phare du pays et même des pays voisins. Le voyage depuis Pakse, au Laos
s’est déroulé sans problème, si ce n’est les quelques heures de retard
habituelles, et les quelques dollars extorqués par les douaniers au passage de
la frontière. Cette fois, il nous a fallu payer pour avoir le tampon de sortie
du Laos, et bien sûr payer aussi pour entrer au Cambodge. Deux dollars pour avoir
le tampon certifiant que l’on n’est pas contagieux ! C’est à la fois
agaçant, risible, et peu onéreux. L’an dernier, les douaniers mexicains nous
avaient extorqué quarante dollars par personne pour sortir du pays. Taxes bien
sûr illégales, mais comment discuter, ergoter quand on est prisonnier des
horaires d’un bus qui ne peut attendre indéfiniment qu’un passager résolve ses
problèmes de douane. Les douaniers le savent bien, d’ailleurs dans ces pays
c’est une des professions les plus prisées : Pas de risque et corruption
organisée, tout le monde veut être douanier !
Siem Reap by night |
Notre base, Siem Reap est LA
ville de départ pour visiter Angkor. C’est une ville de touristes, peuplée de
touristes et des gens qui en vivent. Salon de massage, hôtels, restaurants,
commerces de souvenirs se succèdent dans les rues. Les clubs, bars de nuit,
karaoké fonctionnent à outrance, jour et nuit et diffusent leur musique dans
les rues par des sonos tellement saturées que les enceintes vibrent. Quelques
rues du centre, le soir, deviennent piétonnes et s’illuminent de guirlandes,
annonces publicitaires clignotantes, de lampes qui flashent, de panneaux
lumineux qui vantent les mérites d’un établissement ou d’un produit. Un mélange
de Las Vegas et de Times Square à la sauce cambodgienne, et là, défilent des
flots cosmopolites en quête de je ne sais quoi ; un verre, un peu de
dépaysement, un moment de
délassement ? La plupart ont déjà subi la foule des sites, ils ne peuvent
plus s’en passer ! Les tuk-tuk, s’empressent, sollicitent, quémandent une
course, près du marché les vendeurs font de même. Toute une armée de petits
commerces est en quête de l’aubaine de quelques dollars.
Car ici, la monnaie
nationale a disparu. Tout se traite en dollars, ce qui est officiel comme les
entrées du très beau musée archéologique d’Angkor, très beau et très cher, le
pass d’entrée des sites, les visas aux frontières, mais aussi les repas, les
boissons, tout ! Le dollar est l’unité de base, en dessous on rend la
monnaie en riels qui ne servent à rien, si ce n’est à partir en pourboire.
Autant dire que le pays est bien plus cher que ses voisins et pourtant… Je me
pose des questions sur le niveau de vie des habitants, car à côté des luxueux
4x4 qui sillonnent la ville existe une grande pauvreté. C’est aussi dans ce pays
que l’on a vu le plus de mendicité…
En marge des temples d’Angkor,
nous avons visité un village flottant sur le grand lac Tonle Sap. Nous avons
fait une longue route en tuk tuk pour atteindre un village encore épargné par
la fièvre du tourisme, un vrai village, authentique… Enfin, presque ! Il
est vrai que les touristes y sont encore rares, et que la rue du village ne
leur propose aucune boutique spécialisée dans l’attrape touriste !
Mais le village s’est constitué
en association et prélève une belle taxe d’entrée, en dollars évidemment, qui
donne droit, il est vrai, à une promenade en bateau.
Les gens vivent de la
pêche, et, en saison sèche des cultures, haricots, riz, maïs, qu’ils
établissent sur les berges asséchées du lac, car celui-ci recule de plusieurs
kilomètres avant de se gonfler à nouveau, à la saison des pluies et de regagner
des mètres de profondeur. Les maisons perchées tout en haut d’une forêt de
minces poteaux en témoignent. En hautes eaux elles ont des terrasses « les
pieds dans l’eau », alors que maintenant ce seraient plutôt des départs de
saut à l’élastique ! En tout cas, tout ce petit monde vit pauvrement, très
pauvrement. Ici, pas de belles voitures, quelques motos, fourgons de livraison
qui bringuebalent sur la piste chaotique.
Les poissons sèchent sur des claies à
même le sol et l’odeur nous a rappelé les berges du Niger à Mopti en à peine
plus propre. Le bateau qui nous emmène rejoindre le lac fait un bruit d’enfer
et suit un long chenal peu profond qui sinue entre les terres cultivées.
Ici, à
la différence du Vietnam où la terre se divise en petits lopins, de grandes
étendues sont cultivées d’un seul tenant et l’agriculture y est plus mécanisée.
Pour arroser les haricots des remorques équipées de long bras haubanés, sont
tirées par leurs fameux motoculteurs à tout faire. Elles donnent de loin
l’impression de grands insectes gracieux. Le lac se dévoile enfin, immense et
libre. Quelques maisons flottantes rôdent encore à quelques encablures, sans
doute vouées à la pêche, on ne sait pas…
Une visite très intéressante et
instructive, loin de l’industrie touristique qui nous a donné une autre vision
du pays.
Un pays en train de se reconstruire après une longue guerre civile et
une occupation qui, si elle a ramené la paix, a quand même été durement subie.
Les vietnamiens ne sont plus très bien perçus, mais ils forment maintenant une
minorité installée importante et je soupçonne que leur côté industrieux les a
amenés à prendre une bonne part de l’économie renaissante. Le chauffeur de
tuk-tuk qui nous a accompagné lors de la visite nous signalait :
« Ici, vietnamiens, ici, vietnamiens ! » Leurs maisons n’étaient
pourtant ni plus belles, ni mieux loties que les autres et ils avaient l’air de
vivre dans le même dénuement…
On quitte le pays aujourd’hui, lundi,
après une dernière visite de temple. Un petit temple merveilleusement ciselé un
peu à l’écart du circuit général, à une trentaine de kilomètres de la ville.
Une pure beauté, de grès rose finement sculpté…
Conscients de n’avoir pas visité
le Cambodge, mais seulement un lieu tellement emblématique qu’il fausse la
perception et la vision du pays nous gardons de cette escapade une impression contrastée,
impressionnés par la beauté de ce que nous avons vu,
gênés par l’exploitation
intensive qui en est faite, et choqués devant l’insolence d’une toute nouvelle
richesse opposée à une si grande pauvreté générale. Cela heurte toujours nos
convictions…
On quitte le pays, on a même
quitté le pays au moment où l’on publie ce blog, d’un petit coup d’aile magique
qui nous a posé délicatement bien plus au nord, à Luang Prabang, au Laos.
C’est une bien belle petite
ville, on vous en parlera plus tard…