La malédiction de la robe brodée
Françoise avait une belle robe
brodée, aux couleurs d’Oaxaca, qui lui avait été offerte, il y a assez
longtemps maintenant par Javier, un apparenté mexicain. Elle l’aimait beaucoup,
bien qu’elle ne puisse réellement la porter. Ce costume seyant pour danser la
Guelaguetza sur le zocalo, ou pour être arboré fièrement lors des fiestas,
parait vite décalé, voire déplacé dans les rues chalonnaises. Elle était donc
devenue « chemise de nuit ». Non, non, pas pour dormir, mais pour le
lever, ou le sortir du bain, c’était plutôt devenu une robe d’intérieur, que
l’on porte quand la décence l’exige ou pour son plaisir personnel… Elle faisait
partie de la garde robe de voyage, a voyagé dans plusieurs continents, sous
maints climats et s’est égarée malencontreusement dans une auberge de
Valparaiso, La Casa Lemon Verde. Oubliée dans la salle de bain commune, elle
doit maintenant naviguer sur les épaules d’une jeune américaine, ou d’une
suédoise, peut-être même d’une chilienne ! Longtemps Françoise a regretté
sa jolie robe, se maudissant d’être tête en l’air…. Et puis, il y a quinze
jours, sur un marché d’Oaxaca… La même ! Presque la même… Sans doute un
peu moins… ou un peu plus… mais franchement quasiment la même. Pas
d’hésitation, on achète le précieux vêtement, non sans avoir ardemment négocié
le prix, il ne faudrait pas que cette nouvelle possession, tant convoitée,
engendre l’amertume de s’être fait rouler ! Aussitôt mise en service, elle
fut portée à Oaxaca, à Tulum, à Izabal, à…. Et elle a disparu.
Volatilisée ! Encore oubliée, quelque part dans une salle de bain, sous un
lit, au fond d’un lit, on ne sait pas ! Françoise se maudit de nouveau,
mais je crois simplement que ces jolies robes brodées répugnent à changer de
continent, elles font tout pour rester dans celui qui les a vu naître, là où
elles peuvent être encore portées fièrement, comme des parures d’apparat,
alors, elles se cachent, se dissimulent, cachent leurs broderies éclatantes
sous les serviettes usagées, se glissent délibérément sous le lit, ou sous les draps
rejetés à son pied. Elles refusent l’exil !
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