23 octobre 2023

- L’Atlas

 





Après les magnifiques gorges de Toghra et Dades, nous nous sommes dirigés vers Midelt, avec l’intention de faire la très réputée piste du cirque de Jaffar. 

Las, au bout d’à peine 25 km, le temps qui menaçait a carrément viré à la pluie. Le début de piste, encore facile, s’est fait boueux, les nuages noirs n’annonçaient rien de bon. Nous avons fait demi-tour et rejoint Imilchil sagement par la petite route. Cette fois nous savions que passer par cette piste dépendait largement du temps qu’il ferait. La pluie, enfin arrivée, a exaucé les vœux de tellement de marocains qu’il serait un peu futile de notre part de maugréer pour un changement d’itinéraire ! D’autant plus qu’à Imilchil, une petite bourgade nichée à plus de 2000 mètres d’altitude, on nous a dit que la veille, il y avait eu de fortes pluies, qui avaient certainement raviné et rendu très délicats certains passages de la piste… Bon ce n’est pas tout à fait un renoncement, juste la voie de la raison..


Depuis, nous sillonnons le Haut Atlas, puis le Moyen, par de toutes petites routes, qui redeviennent  parfois , pour des tronçons plus ou moins longs, les pistes qu’elles furent il n’y a pas si longtemps. Goudronnées ou pas, elles sont lentes et sinueuses, escaladent les montagnes les unes après les autres à grands renfort de virages et de rampes raides, serpentent dans les vallées qui éclairent d’un brin de verdure les pentes rocheuses. Les villages s’y étirent en ruelles étroites qui s’animent soudain en un marché coloré où se pressent les hommes encapuchonnés dans leurs austères burnous et les femmes emmaillotées dans leurs multiples couches. On se fraie lentement un passage, entre les pick-up japonais hors d’âge, surchargés de caisses de pommes ou de denrées diverses, les minibus essoufflés, « Transports mixt » qui sillonnent les routes en quête de passagers ou de marchandises à convoyer, les camions livreurs de gaz et de moellons, les ânes aux bats chargés de bois ou de fourrage en sacs et les badauds, nombreux, qui semblent toujours prendre un malin plaisir à entamer une conversation plantés au milieu de la rue ou reçoivent un coup de fil  urgent à ce moment là.

Sur les routes et dans les hameaux oubliés, les gamins, encore en vacances, profitent de vos ralentissements pour quémander un dirham. Ces gamins surgissent de n’importe où, de nulle part, attendent dans un virage sans vie ou au sommet d’un col apparemment désert et quémandent, parfois avec insistance et l’approbation des adultes. Avec les rabatteurs en ville, c’est la plaie de la région. On ose à peine s’arrêter, on vérifie la présence de mioches, on tend l’oreille en quête de voix enfantines, c’est dommage… L’extrême pauvreté de la vie agro-pastorale en est bien sûr la cause première, avec aussi, une certaine habitude qui s’est installée sans doute confortée par la compassion irresponsable de certains touristes. Le désenclavement en cours, avec de belles routes goudronnées pour faciliter la circulation ne change rien à la réalité économique.

Mais l’Atlas est une région magnifique, aride et austère dans sa partie la plus haute ou des troupeaux de moutons et de chèvres subsistent chichement et s’abritent des rigueurs du temps dans des bergeries quasi invisibles tant elles se fondent dans la rocaille. Plus bas, dans le Moyen Atlas, l’agriculture reprend ses droits et occupe chaque parcelle cultivable. Terrasses et petits carrés de céréales, de légumes et de vergers sont soigneusement irrigués, au goutte à goutte car l’eau reste rare en période sèche, bichonnés à la main. Houes et binettes sont encore les outils de mise. On ramasse les pommes, les noix, le fourrage que l’on entrepose le long de la route en attendant le ramassage. Car ici, on a aussi l’impression que tout le monde attend. Assis au bord du chemin, sur une pierre ou un sac avachi, les gens attendent. Comme les enfants, on en trouve de partout, dans des endroits improbables, les gens attendent… Quoi ? Un moyen de transport le plus souvent, pour eux, ou une marchandise qui doit être prise ou livrée. Cela est aussi mystérieux pour moi, que les signes de la main qu’ils font pour dire bonjour, pour demander un charroi, indiquer une direction ou  demander l’aumône !

Depuis Imilchil nous avons enchainé quelques centaines de km de virages, de vues époustouflantes, de villages perdus, de cahots et de beau goudron et il nous en reste encore à nous mettre sous les roues… Alors à bientôt pour la suite.































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