28 février 2019

Bribes...


Les petits camions bleus

Le pays est pauvre en eau. C’est même un euphémisme : C’est un désert, un désert de sable, de pierre et de rocaille. Si l’on excepte quelques havres de verdure, le long des wadis, rien ne pousse hors des arbustes épineux qui font la joie des chèvres et le désespoir des vêtements qui s’y accrochent lorsqu’on essaie de s’y abriter du soleil. Et pourtant, des villages s’accrochent aux flancs des montagnes, des bourgs poussent dans chaque vallée, des villes s’érigent, le pays est en chantier, semble se développer, croître et prospérer. Chaque maison s’orne d’au moins une réserve d’eau, une citerne de plastique blanc, toutes les mêmes, assez disgracieuses, mais dispensatrices du précieux liquide. Comme l’électricité, l’eau arrive partout en Oman. Aussi difficile d’accès, aussi isolée soit-elle, chaque maison bénéficie de ces bienfaits modernes. L’électricité arrive, comme partout, par l’intermédiaire d’un réseau de fils électriques et de poteaux qui escaladent les pentes les plus abruptes, cheminent au fond de vallées, se fraient un passage à travers les montagnes. L’eau a aussi son moyen de transport : Ce sont de petits camions citerne bleus. On les voit partout, ils sont nombreux, lents et indispensables. Ils grimpent poussivement les pentes que l’on dit, dans les guides réservées aux 4x4, ils les grignotent petit à petit, font des pauses, laissent passer les rutilantes voitures et reprennent leur harassante ascension. Sous l’effort, ils lâchent parfois des pets de fumée sombre qui voile un instant le soleil. Enfin, ils arrivent et délivrent leur manne. Je ne sais où ils se remplissent, j’imagine comme d’immenses réservoirs d’où ils essaiment périodiquement, colonie d’insectes bleus bienfaiteurs et reviennent se nourrir, mission accomplie.

Ici, quand j’ouvre un robinet ou prends une douche, j’ai une pensée émue pour le petit camion bleu qui me permet ce geste si naturel chez nous, tellement naturel que l’on en oublie trop facilement la portée dans cette aridité sans fin.

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