31 janvier 2018

Bribes...



Un jour sans...
Des jours comme ça, il y en a toujours au cours d’un voyage. On espère qu’il n’en sera rien, que tout sera toujours parfait, mais non. C’était dimanche, dimanche 28. La veille déjà, la mousson s’était faite pluie et grisaille une partie de la journée, mais elle nous avait épargné les plus beaux sites et les balades. Mais ce jour là, on quitte l’hôtel, dans la brume, avec une petite pluie fine, intermittente. On espère comme la veille que tout va aller mieux ensuite. Mais non ! Au menu du jour sont prévus des cols et des montagnes avec des paysages et des aperçus magnifiques. On escalade le premier col dans un brouillard qui s’épaissit jusqu’à devenir impénétrable. Les paysages il fallait les deviner, les imaginer, et subodorer les aperçus.  Au sommet du col, premier arrêt, pour aller visiter  les « Portes du ciel ». Certes elles ne seront pas celles du paradis pour nous : Après un interminable escalier, on débouche sur une plate-forme, tout en haut de la montagne qui domine le col. De là, on ne voit rien, strictement rien ! Autour de nous l’opacité la plus totale ! A l’humidité se joint une désagréable sensation de froid pénétrant… Nous redescendons vite nous mettre au chaud dans la voiture et reprenons la route. Elle se fait longue, longue et extrêmement lente. Dans le brouillard qui ne desserre pas son étreinte, le chauffeur roule prudemment, évitant les motos qui déboulent tous feux éteints, les camions qui ne se rangent pas, les cars qui passent klaxon bloqué pour se signaler. La route se fait chantier, elle est de boue et d’ornières, on ralentit encore. On grimpe toujours pour arriver à notre deuxième étape : Long Cu (Je vous fais grâce des mauvais jeux de mots qui m’ont traversé l’esprit !) C’est une tour, perchée au bout des 387 marches précisées par notre guide, qui marque la limite entre le Vietnam et la Chine. Une tour symbole, avec un immense drapeau vietnamien qui flotte en haut et un bas relief représentant les guerres entre les deux états. Un symbole vous dis-je, et on ne peut passer à côté d’un symbole sans lui rendre visite. D’autant plus que, ce que je n’avais pas bien compris, il était le but ultime de la longue journée de route, car Long Cu est en fait un cul de sac ! On souffle jusqu’au bout des 387 marches, se doutant bien de ce qui nous attendait : Un brouillard qui noie tout, le grand drapeau à peine visible en haut de son mat, une stèle commémorative auprès de laquelle il est de bon ton de se faire photographier. Transis, car le froid s’est accentué, on redescend, et on part vers notre gîte, tout proche. C’est une maison de Lolo bleu (de froid), une ancienne maison, toute de bois et de vent coulis, aménagée de bric et de broc. L’accueil n’y est pas très chaleureux, le contraire m’eut réconforté, le repas animé par les ouvriers qui construisent un deuxième gite, en moellons, pour le maître des lieux et la soirée glaciale. On plonge sous les couettes et couvertures, heureusement  en quantité suffisante pour nous assurer une nuit au chaud. Il n’est pas 19 heures, la nuit va être longue !

29 janvier 2018

Les paysages et les hommes








Dans une bribe je parlais du lent travail de l’homme qui a façonné le paysage du Vietnam. Plus notre voyage se poursuit dans les montagnes à priori hostiles du Nord Vietnam, plus cette conviction prend forme. De la forêt qui occupait la majeure partie du terrain, ne reste que des franges sur les flancs trop escarpés, des sommets retranchés, des à-pics inexploitables, car l’homme laborieusement, opiniâtrement, laboure, terrasse, cultive, de plus en plus haut, de plus en plus pentu.
Les larges terrasses bien dessinées des rizières des plaines, se rétrécissent, suivent les courbes de niveaux des flancs auxquelles elles s’accrochent, elles se superposent presque tellement le dénivelé entre deux augmente.
Les canalets qui les alimentent et leur permet de se déverser l’une dans l’autre, de les mettre en eau, de les assécher se font tuyau en cascade. Mais toujours l’homme est là, courbé sur la terre, qui laboure avec son fidèle assistant le buffle, capable d’exploits dont est incapable le moindre tracteur. 
Plus haut les théiers s’alignent sur des terrasses qui deviennent de simples marches, taillées à plat, et encore plus haut, ou un peu ailleurs, là où le terrain convient mieux, la culture des ananas remporte la palme ! Le travail devient escalade, on coupe, on remonte les fruits dans de grandes hottes d’osier, péniblement. Les cultures grimpent, grimpent, elles grignotent les forêts, s’approchent du ciel. Partout, sur chaque parcelle possible, sur chaque espace disponible, on laboure, en louvoyant entre les rochers, on plante, on sème, on cultive des légumes, des fruits, du maïs, du riz. Déjà, nombre de collines sont terrassées entièrement et, plus haut, on commence à employer des moyens mécaniques pour entailler les montagnes, repousser toujours un peu plus la limite du sauvage, du naturel. Mais cette nature résiste, heureusement, et l’homme lui concède une place, car il en a encore besoin. Il a besoin d’arbres pour faire de l’ombre, pour embellir, pour protéger, il a besoin de bois, pour cuisiner, pour fabriquer pour bâtir ses maisons traditionnelles.


Mais le bois de construction se fait plus rare, plus cher, trop cher. Alors les maisons qui se construisent perdent beaucoup en charme, elles se bétonnent comme partout, deviennent de vulgaires cubes de moellons, mal finis, mal commencés. Désormais elles sont un vestige du passé, les belles maisons des Thaïes, de bois sur pilotis et celles des Tays, leurs cousins en prononciation, de bois et couvertes de palmes sèches. Le paysage va y perdre en harmonie, ce qu’il va conserver en nature.


Ces paysages, nous les aimons, nous les trouvons beaux parce qu’ils sont aussi humains. Entre paysage et jardin, entre travail et nature, ils se dessinent, s’estompent dans les brumes matinales, s’illuminent au couchant avec toujours des reflets d’eau, sur le calme des rizières et des bassins à poissons, sur le vif des torrents et des rivières. Ce sont des paysages doux, nés de notre imagination avec, parfois des singularités qui enchantent, comme ces montagnes en pain de sucre, chevelues, qui semblent naître d’un caprice des rizières, par lots de deux ou trois, et abritent dans leurs creux des villages de bois qui s’y nichent dans une végétation exubérante. Et partout, l’homme est au travail. Hommes et femmes attelés à toutes les tâches que réclame la terre, labourant, sarclant, piochant, repiquant, coupant, ramassant, transportant à dos, puis à moto.

C’est la différence avec les paysages grandioses d’autres voyages que nous avons faits, des paysages sculptés dans le minéral, forgés par de grands séismes, ou de lents bouleversements géologiques. Le Sud Lipez en Bolivie, ou le Yellowstone, aux USA ne perdent rien de leur beauté, bien sûr, mais ce sont des paysages qui nous transportent ailleurs, dans un autre monde, où l’homme n’a guère sa place alors qu’ici il en fait partie, c’est une des composantes majeures de ce pays, qui sans lui, sans ses efforts laborieux, ne serait pas ce qu’il est.




27 janvier 2018

Ethnies




Nous avons troqué les lunettes de soleil contre les parapluies, enfin plutôt les imperméables, car il pleut. Retour de mousson, il paraît qu’il y en a pour une semaine ! C’est une petite pluie fine et pénétrante, comme dans une certaine région de France que je n’ose pas nommer ici de crainte de représailles. Par contre, ici, contrairement à cette région où la pluie est parait-il sélective, il pleut sur tout le monde de façon égalitaire, communisme oblige ! Nous poursuivons donc nos sauts de puces, de village en village, en tutoyant la frontière chinoise, (camaraderie de mise !) d’ethnie en ethnie.
Les villages « ethniques », je n’aime pas beaucoup cette expression, ni d’ailleurs le concept qu’il recouvre.  Imaginez que l’on ose, je ne sais d’ailleurs pas si j’ose l’écrire, traiter par exemple Ploumanac’h ou Pont Aven, ou bien encore Santa Lucia De Tallano de « villages  ethniques » ! Les uns barreraient immédiatement les routes coiffés de bonnets rouges, les autres sortiraient les fusils ! Pourtant, pourtant cela correspondrait à peu près à la définition : Une population minoritaire, d’origine différente, parlant une autre langue et ayant conservé des caractéristiques propres, dans les coutumes, l’habitat, le costume…. A ce titre certains arrondissements de grandes villes ou quelques banlieues pourraient être aussi qualifiés ainsi… Mais là, je deviens carrément provoc !
Pour en revenir à nos buffles, le Vietnam compte de nombreuses minorités ethniques qui occupent surtout le nord du pays, justement, et comme par hasard, la région que nous visitons !

Ici, ces minorités ne se rebellent pas contre le fait d’habiter des « villages ethniques » je crois même qu’elles en profitent pour modifier leur mode de vie. Certains villages, faciles d’accès, proches des villes, sont devenus de petits centres touristiques. Les maisons se rangent, s’astiquent un peu, les costumes locaux féminins sont de rigueur, (Pour les hommes on ne les voit guère, ils sont occupés ailleurs, habillés comme tout le monde ils passent inaperçus.) et vente de tissages traditionnels, très jolis d’ailleurs. Nous avons bien sûr visité certains de ceux-là, mais 
aussi d’autres, plus loin, beaucoup plus loin, qui ne portent pas officiellement la qualification… L’aspect change beaucoup. Certes les costumes sont là, mais seulement parce que c’est leur costume, celui de tous les jours, celui du travail, les maisons sont souvent délabrées, rafistolées, mal tenues, et les villages sont sales. Les ruisseaux servent de dépotoir, les rues, les caniveaux aussi. Rien à vendre, mais des sourires et des « hello » de bienvenue. Ceux là vivent mal de leurs cultures,
s’endettent longtemps pour acheter la moto et le smartphone, indispensables attributs de la vie moderne. Les uns, les labellisés, entretiennent leur passé pour envisager l’avenir, les autres tentent d’attraper l’avenir quitte à oublier le passé… Les deux voies sont sans doute des leurres….

Ceux-là sont ceux des montagnes, les plus mal lotis, comme partout refoulés des plaines faciles et fertiles. Les H’mongs sont les plus nombreux, chassés de Chine il y a  longtemps, confinés dans les montagnes hostiles ils se les sont appropriées, y ont bâti un mode de vie isolé, longtemps semi-nomade. Maintenant ils sont sédentarisés, abandonnent peu à peu la chasse et les brûlis sauvages. Il y a des H’mongs bleus, rouges, noirs et même d’après notre guide des H’mongs fleurs.  Je crois que ces appellations
reflètent essentiellement des différences vestimentaires, un peu comme les tissus écossais ! Nous avons visité des villages de H’mong bleu, mais surtout noirs, et aussi des Dzao, dont je ne sais pas grand-chose, des Thaïe, ils sont nombreux et répandus dans une bonne partie du Vietnam et enfin des Tays qui ont de belles maisons. (La différence de prononciation entre Thaïe et Tay est subtile, et mon oreille pas assez discriminante pour la percevoir. Apparemment le « a » de Tay est plus aigu plus fermé, mais c’est surtout le « i » final qui change tout. L’un est plus haut que l’autre !)





Je vous propose une galerie de portraits, de paysages, glanés au cours de nos visites.

26 janvier 2018

Bribes...


 Le désespoir du photographe

Les paysages vietnamiens sont merveilleux. Parées d’un léger voile de brume, les collines dévoilent leur vert tropical au premier rayon de soleil. Des collines étranges qui émergent du sol comme de grands menhirs, qui se pressent en troupeaux, qui s’effacent en de somptueux camaïeux quand le soleil décline. A leurs pieds, les rizières s’embuent et miroitent et entrelacent leurs diguettes, les cultures en terrasse s’échinent à les conquérir, toujours un peu plus haut, poussent les théiers, les ananas. Au fil de la route qui sinue interminablement le paysage se modifie subtilement, petit à petit, sans changer vraiment. C’est un lent glissement d’un point de vue à un autre, d’une estampe à la suivante. On s’attend à voir apparaître des animaux étranges, mythiques, une licorne ou un dragon, mais non, ce sont de paisibles buffles qui occupent les lieux, avec leurs maîtres. Car l’empreinte humaine imprègne le paysage, le façonne, se marie avec lui. Un lent et antique mariage qui va bientôt sonner le glas des derniers vestiges sauvages.

Alors, le photographe s’échine, tente de capter ce rayon de lumière qui illumine les feuilles de bananiers juste en dessous du léger voile de brume, il essaie de trouver le bon angle pour faire ressortir le fin relief des rizières, le vert tendre des repiquages, le bon cadrage pour ne rien perdre de tous ces plans successifs qui se diluent à l’horizon…

Mais toujours, il y a, vilainement intercalée, cette toile, tissée de fils et de câbles, cette toile née de l’homme qui lui amène l’électricité. Cette lumière qui éclaire la pauvre masure perdue dans un lointain hameau, traîne des faisceaux de grisaille, elle hache le paysage en tronçons, en quartiers inégaux, elle gâche la lumière des photos…

Alors le photographe désespère, il se contorsionne, enjambe les fils qui pendent parfois presque jusqu’au sol, s’arrête là où parfois la honteuse trame s’efface, mais alors c’est le paysage qui a perdu sa féerie d’un instant, l’instant d’avant, cent mètres plus haut, le photographe désespère et honnit ce progrès nécessaire. Mais il essaie encore et encore, trouve un endroit, une position pour fixer sur l’image SA réalité, et la photo devient ainsi une représentation personnelle, une interprétation, un point de vue subjectif. Vous ne verrez que peu de fils électriques sur mes photos, j’ai une vision poétique des paysages qui s’offrent à moi, je tente de transcrire cette vision, pour moi elle n’altère pas la réalité, elle la sublime…

Pendant ce temps, le buffle impavide se croûte de boue et, là-haut, dans leur maisonnette délabrée, une famille de H’mong noirs, plantée devant la télé, se rassasie de sitcom indiennes en bénissant ces fils disgracieux.

24 janvier 2018

Mu Cang Chai-Sapa






Notre périple se poursuit vers le nord, à travers les montagnes et de splendides vues sur les rizières. C’est « la route des photographes » d’où sont prises toutes les photos des agences, des catalogues qui vantent la beauté du nord-Vietnam. On va y rajouter les nôtres, car comment résister ? On découvre les fameuses rizières de Mu Cang Chai , vous les connaissez déjà elles sont circulaires, autour d’une colline, au cours d’une très jolie balade qui nous promène de rizière en rizière au fil de petits villages h’mong,l’ethnie locale. Ils vivent de pas grand-chose, du riz qu’ils produisent, et m’ont paru un peu les indiens du Vietnam, mais les femmes sont parées de couleurs vives et portent toutes le costume traditionnel. Elles nous sourient,
heureuses, certaines tentent de nous vendre des petits tissages. On grimpe, encore un peu, et on finit par déboucher sur la fameuse colline, celle des prospectus. Elle tient toutes ses promesses, le lieu est vraiment superbe, même si le repiquage du riz qui a commencé partout ailleurs n’a pas encore eu lieu ici. Nous sommes un peu plus haut, il n’y a plus qu’une récolte de riz annuelle, contre deux dans les plaines et les vallées basses et même trois dans le sud du pays. On poursuit notre chemin, jusqu’à rejoindre la route et là, se dresse la carcasse d’un futur grand hôtel, avec vue sur les rizières. 
La région poursuit son développement touristique à marche forcée. On rejoint notre « maison » pas très loin, mais un peu à l’écart, bien au calme. C’est encore une maison thaïe. Ces maisons sont belles, faciles à aménager, à revisiter pour les touristes, elles sont donc plébiscitées par les agences qui les financent en partie. Les gens qui les tiennent sont accueillants, certes, mais ils en ont fait leur métier, comme chez nous les gites ou chambres d’hôtes. A leur crédit, en plus de la belle maison, les repas du soir que l’on fait chez eux. Ils sont…. Formidables ! Pantagruéliques ! Délicieux ! J’aurais encore un petit stock d’adjectifs mais je ne veux pas vous rassasier trop vite, j’en mets de côté ! Comme pour les repas : Constitués de multiples petits plats, viande grillée, rôtie, fumée, avec des légumes, légumes sans viande à mélanger soi-même avec ce que l’on veut, si on veut et, inévitable le riz et la soupe…. 
La seule façon de ne pas trop manger est de s’en tenir strictement à l’usage des baguettes ce qui, vu notre dextérité, limite fortement notre consommation dans un temps donné ! (Je me demande comment font les asiatiques arthritiques ou arthrosiques ?). Un peu d’alcool de riz, enfin je dis un peu car nous restons convenables, la bouteille reste souvent à disposition, du thé vert local, et surtout de l’eau accompagnent ces repas.


Le jour suivant, après une longue route qui sinue dans les montagnes toutes vertes où s’alignent les plantations de thé, redescend vers des …rizières bien sûr, remonte de col en col, la visite d’une jolie cascade et de son ruisseau argenté, nous atteignons Sapa. Une petite ville de montagne très, très touristique, vouée au tourisme même qui se niche dans un creux de montagne,

au pied du plus haut sommet du Vietnam, le Fansipan (3143 m). On nous loge dans un bel hôtel neuf, un peu à l’écart du centre et du bruit. La visite est vite faite, un petit lac, deux rues de commerces pour touristes (souvenirs, matériel de trek, massages et spa…) et des hôtels. 
Des travaux partout, ils sont en train de remodeler la ville ! Pas enthousiasmés par Sapa, elle va cependant nous servir de base pour aller demain visiter des villages.
On vous racontera ! Contrairement à ce que je supposais, la région est très bien desservie en réseau de communication et tous les hôtels, les chambres d’hôtes ont la wifi ! On n’est pas dans un pays de sauvages, non, mais ! Je peux donc alimenter le blog, au gré de mes envies !