Nous sommes à La Paz depuis quelques heures. C’est une grande ville
grouillante, animée, bruyante que nous commençons tout juste à explorer. Nous y
sommes arrivés depuis Copacabana par l’altiplano. Là-haut s’étend une banlieue,
l’Alto, plus peuplée que la ville et encore plus étendue, et d’une aussi
désolante laideur que les villes dont je parlais au Pérou. On peut donc étendre
ma triste réflexion à la Bolivie aussi. Pourtant, les premiers jours à
Copacabana nous avaient rassérénés. C’est une jolie petite bourgade campée au
bord du lac entre ses deux collines. Calme et sereine dès la nuit tombée, peu
de véhicules, on s’en est vu pour trouver des taxis, c’est dire ! De là on
est parti visiter l’Isla del Sol, à trois heures de bateau environ,
le pendant bolivien des îles péruviennes, en
face. On débarque au port nord dans la matinée et on nous récupère dans
l’après-midi au port sud, la majorité des gens faisant la balade dite des
crêtes, recommandée par les guides. Le chemin, soi-disant inca, monte en pente
assez douce, passe par des ruines incas que l’on n’a pas visitées, trop pauvres
après ce que l’on a eu la chance de voir, et suit la crête de l’île, offrant
des paysages magnifiques sur le lac. L’île est plus aride que Taquilé, bien
moins verdoyante et on y remarque moins le travail de l’homme.
Jacques et Jo ont
choisi une autre balade, en principe plus courte, mais dont les grimpées
étaient finalement plus rudes ! Contrairement à nous, eux ont préféré
cette île à Taquilé …
Vendredi 1er mai.
Depuis hier on se balade dans La Paz… Ce matin on a affrété un taxi
pour se rendre à « Valle della Luna »
encore une autre vallée de la Lune, un site étrange de cheminées de fées
près de La Paz. C’était beau, dans un grandiose cadre de montagne…
Mais nous
avons la chance de connaître la Cappadoce, en Turquie, et Bryce Canyon aux USA,
qui sont bien plus beaux et grands… On commence à devenir difficile, on a trop
de points de référence, de comparaisons possibles, alors on fait la fine
bouche.
Mais La Paz, elle, est une ville étonnante et nous n’en avons encore
pas vu de comparable !
Elle est bâtie dans un immense amphithéâtre montagneux que l’on
découvre brutalement quand on arrive de l’altiplano. Elle se décline en strates
sociales, les plus pauvres en haut, les plus riches en bas. Tout en bas, il y a
les gratte-ciel du quartier financier, des affaires. Au milieu, là où nous
logeons, le quartier historique, et aussi le centre gouvernemental et
administratif, avec les plus belles
bâtisses, de style colonial. En fait, c’est une ville récente, peu de
constructions datent d’avant le XIXème siècle.
Mais ce qui en fait son charme,
c’est l’immense animation qui y règne. Les rues sont transformées en un immense
étal, de petits stands qui vendent tout et n’importe quoi. 

Ce marché se
construit dans la matinée, où les vendeurs arrivent portant d’énormes sacs, où
poussant dans les rues pentues des diables lourdement chargés, s’installent
jusqu’au soir et remballent leur marchandise vers neuf ou dix heures. Entre ces
stands louvoie une foule immense, bon enfant, qui s’arrête pour grignoter une
douceur, boire un jugo ou une sucrerie, manger une comida debout dans la rue,
chez une bonne indienne campée en costume traditionnel devant ses marmites
fumantes et qui propose du poulet, bien sûr, des truites, mais aussi des
chicharrons ( confit de porc, d’agneau ou …de poulet !) accompagnés de
papas (pommes de terre ) sous différentes formes et de l’inévitable riz blanc.
L’Amérique du Sud n’est pourtant pas productrice de riz, c’est bizarre cette
prédominance du riz dans l’alimentation, non ? Ne serait-ce pas encore une
stratégie subtile des chinois pour s’implanter dans ce continent où pour le
moment ils n’ont que peu d’emprise ? En tout cas il est difficile d’éviter
dans les menus ce fameux petit grain qui nourrit le monde !
Certains s’attroupent devant les écrans télé qui retransmettent des
matches de foot aux commentateurs hystériques, ou des novellas débiles, mal
jouées mais qui passionnent pourtant. D’innombrables stands proposent aussi des
disques, tous les disques et les passent le plus fort possible sur un matériel
pour le moins hétéroclite dans une cacophonie assourdissante. Ajoutez-y la ronde
incessante des collectivos, petits bus de ville qui vous ramassent n’importe où
pour vous amener à la destination indiquée sur leur pare-brise surchargé
d’inscriptions et de décorations. Beaucoup sont des petits Toyota, mais il
circule encore pas mal de vétérans des US, de vieux Dodge repeints et couverts
de gadgets, des Ford, des Chevrolet, j’ai même vu un Fargo qui grimpait
vaillamment une forte pente avec un bruit de moteur depuis longtemps oublié. Il
devait avoir pas loin de mon âge…
L’air de La Paz, malgré l’altitude n’est donc pas si pur que ça.
On y respire, comme dans beaucoup de
grandes villes du monde, beaucoup de vapeurs d’essence, d’effluves
diverses ; la différence c’est que l’on y respire souvent par la bouche,
nos nez d’européens ne suffisant pas à assurer une ventilation suffisante à
cette altitude et que l’on se retrouve vite avec gorge irritée, pharynx
enflammé, bronches encrassées… On se nettoiera dans le sud Lipez, c’est encore
plus haut mais il n’y a pas de circulation !
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