28 janvier 2024

Cajamarca-Chachapoyas

 


Chachapoyas… Rien que le nom fait rêver, n’est-ce pas ? Déjà lors de notre précédent voyage au Pérou, j’avais imaginé visiter le site de Kuélap, près de Chachapoyas ! Cette fois, c’est fait ! Mais c’est une destination compliquée… Depuis Trujillo, en huit heures de bus, nous avons atteint Cajamarca, une jolie ville étape. Nous y sommes restés le temps d’une excursion à Cumbe Mayo, un très joli site naturel, une faille, des pics hérissés, quelques pétroglyphes, et beaucoup de mendicité ou de vente de rien du tout. La balade se termine par une sorte de canal-aqueduc précolombien étonnant. Le travail de la pierre est d’une précision chirurgicale et le calcul de la pente révèle des aptitudes d’ingénierie surprenantes.


Pour aller de Cajamarca à Chachapoyas, il y a LA route. Celle qui est classée la plus belle du Pérou, qui en a pourtant pas mal, la plus spectaculaire, sans doute une des plus dangereuses aussi. Mais voilà… Impossible de trouver un bus qui la fasse de jour, pour admirer le paysage. La seule possibilité qui nous est offerte de gagner Chachapoyas est un bus de nuit de la « Virgen del Carmen ». Le voyage dure normalement 12h et demi. Nous avons passé un peu plus de 13 heures, à être secoués, ballotés, à glisser sur les sièges fatigués de la Virgen, à tenter de savoir pourquoi le bus s’arrêtait parfois, à tenter d’avoir des aperçus du paysage…

Un paysage qui doit être absolument fantastique. C’était une nuit de pleine lune, qui éclairait la montagne de sa pâle lumière. Elle laissait deviner des gouffres insondables, des à-pics vertigineux, des vallées profondes. La route sinue, s’accroche au flanc de la montagne, escalade un mont, redescend dans une vallée. C’est une succession ininterrompue de virages, pris au ralenti sur la route si étroite que l’on pourrait toucher du doigt le roc à droite et plonger direct dans la vallée bien plus bas, à gauche. Les croisements heureusement rares, sont laborieux. Il faut que l’un des véhicules recule jusqu’à un élargissement relatif. Cela explique les arrêts intempestifs. Le chauffeur, alerté par des phares au lointain, attendait dans un endroit possible. Chaque croisement donne lieu à une discussion sur l’état de la route, plus haut, plus bas. Car il a plu la semaine dernière. Beaucoup. Des éboulements ont eu lieu. L’un d’eux a réduit la route à un passage boueux qui domine le vide. Arrêt. Repérage. Un bus arrive en face, décharge ses passagers avant de passer à vide. Notre chauffeur décide de laisser dormir ceux qui dorment encore et passe. Il tangue un peu et s’arrache du piège. Certains virages nécessitent plusieurs manœuvres, des ponts sont pris à l’extrême ralenti. Après Célendin, notre seul arrêt de 20mn, jusqu’à Leymebamba, à une heure de l’arrivée, le compteur qui affiche la vitesse n’a jamais dépassé 25 km/h. Quelle route ! Je pense que les bus ne la pratiquent que de nuit pour ne pas affoler les passagers sensibles à la vue des passages trop vertigineux, et peut-être aussi pour pouvoir mieux anticiper les croisements à la lumière des phares… Bref, à 7 heures du matin, nous sommes arrivés moulus et éreintés à Chachapoyas.


Heureusement l’hôtel est sympa et nous a réconfortés d’un bon petit déjeuner !

Ce sera notre base de départ pour explorer la région. Nous avions prévu trois excursions, mais finalement n’en ferons que deux, la cataracte de Gocta, une des cinq plus hautes du monde se passera de nous. Son approche est trop difficile pour nous.

Mais les sarcophages de Karajiia nous ont ravis et déjà mis à mal notre capacité à grimper. Dans un site magnifique, le sentier  commence par plonger puis longe un profond canyon et à un détour, on découvre ces étonnants sarcophages, accrochés à la muraille. Construits de bois, d’argile et de paille, ils contenaient les momies de personnages importants.

    Aujourd’hui, enfin, le site de Kuélap ! Mon vieux désir s’exauce ! Le petit bus de l’agence nous cueille à l’hôtel un peu après huit heures et en route ! Les routes ici, sont toutes belles. Celle-ci longe un bon moment un gros torrent gonflé par les dernières pluies. On grimpe jusqu’au télécabine. Très récent, installé par la compagnie française Poma, bien connue des skieurs, il permet  de gagner beaucoup de temps, et d’efforts, pour accéder au site. En effet, pour l’atteindre, ne subsiste qu’une petite heure de grimpette assez sévère au début et à la fin. Le site, endommagé par un tremblement de terre en 2021 n’a rouvert que très récemment et très partiellement. C’est un beau site, perché sur sa montagne, protégé par sa haute muraille, qui a résisté longtemps aux Incas qui ne l’ont vaincu qu’au terme d’un long siège, en 1570… (à peu près !). Un village aux maisons rondes surmontées d’un toit conique qui devait être très beau. Chaque maison possède, encore visible, son canal à cuy, où ils élevaient leurs petits rongeurs préférés. (Cochons d’inde). Mais les toits ont disparu, ne subsistent que les soubassements, des pans de mur, et la grande muraille protectrice. La végétation équatoriale s’est invitée et se mêle harmonieusement aux vieilles pierres. J’aime ces sites, où les ruines semblent émerger d’entre les frondaisons épaisses…

Demain sera un jour de repos. Balade en ville (visite du marché aux fruits et produits locaux, yaourts nature et fromage frais), tranquille, que Françoise se remette de son rhume de clim… C’est un nouveau rhume, différent de celui des foins, mais qui a les mêmes symptômes !


Ensuite… Retour à Lima, en avion, s’il ne pleut pas trop, si l’aéroport confidentiel de Chachapoyas est fonctionnel. De Lima, on part à Bogota. Pas par un vol direct, mais avec une escale à Guayaquil, que l’on aurait préféré éviter, vu l’ambiance actuelle en Équateur. Mais ce n’est qu’une escale, on reste dans l’aéroport. Après Bogota… On a des idées, c’est sûr, on vous racontera plus tard !

Cajamarca

































23 janvier 2024

Bribes…

 

J’aime bien parler de la circulation, de la façon de conduire dans les différents pays et des voitures que l’on y trouve. C’est aussi une certaine image du pays. En Argentine et au Chili, nous avons loué des voitures et circulé sur pas mal de kilomètres. Dans les deux pays, c’est une circulation apaisée, respectueuse des autres à défaut de certaines signalisations.  Les limitations de vitesse sont par exemple un peu mieux respectées en Argentine qu’au Chili, où la conduite générale  est plus rapide, les lignes blanches même doubles, ne sont respectées nulle part  et il y a au Chili, une priorité absolue aux piétons. C’est rarissime, d’autant plus que c’est la seule priorité observée ! Celle de droite n’existe pas ! En fait ce sont des pays faciles à s’adapter, il suffit de s’insérer entre deux grosses « camionetas » rouges et de laisser couler… Au Pérou, nous n’avons pas loué de voiture et ne le ferons pas non plus, je pense, en Colombie. Ce n’est pas nécessaire pour notre voyage, aux points de chutes, taxi et agences avec leurs minibus peu coûteux nous dispensent d’avoir notre voiture. La conduite y est très différente : Agressive envers tout le monde, les feux y sont à peu près respectés, mais c’est bien la seule signalisation qui le soit. La seule priorité qui existe c’est celle du plus fort ou du plus incisif. On entre dans un carrefour encombré et l’on essaie d’être le premier à en sortir. A grand coup de klaxon, on avance coûte que coûte, on s’insinue, on se rabat pour suivre sa propre trajectoire et qu’importe si l’on s’est mis à gauche pour tourner à droite, ou l’inverse ! C’est le klaxon qui présélectionne !  A ce jeu, les taxis qui sont foule, la moitié des voitures dans certains endroits, sont les plus forts, juste derrière les bus.

Sur route, on double. L’enjeu est de ne pas suivre ou rester derrière. Course entre les bus, entre les voitures et les bus, et je suppose entre les voitures elles aussi. Les camions plus poussifs sont un peu à la traîne… On double, et les routes de montagne offrent un défi magnifique avec leurs innombrables lacets, leurs pentes raides, virages sans visibilité, et leurs défauts de revêtement imprévus. Le jeu permet d’accéder à la case « expert » ! Ceux qui perdent ont droit à une petite chapelle dans les virages concernés, certaines sont très jolies et entretenues avec soin !

Au Pérou, on sent aussi, au niveau du parc automobile un net retard par rapport aux autres. Au Chili, le gros 4x4 pick-up,  la « camioneta » domine sur toutes les routes de Patagonie. Rouge à Chiloe, elle se diversifie ailleurs. Il n’y a qu’à Santiago où elle se fait un peu plus humble. Les japonaises se taillent la part du lion, mais quelques énormes américaines, encore plus impressionnantes, doivent marquer la différence sociale. Car on reconnait vite celle qui travaille, qui est utile, rayée, cabossée parfois, fatiguée, de celle, rutilante qui n’est là que pour affirmer sa position. A noter qu’il y a autant de chiliennes qui conduisent ces voitures que de chiliens.

En Argentine c’est plus diversifié, nombre de petites voitures et les 4x4 sont plus utilitaires, nombre aussi de très vieilles voitures qui fonctionnent encore par miracle. Des 4L , des 2cv, de vieilles Renault genre R19 , voire R16 qui ont disparu chez nous depuis longtemps et qui offrent ici des services sans doute limités à de courts trajets .

Au Pérou, c’est très contrasté, il y a de tout ! A Lima, surtout des voitures récentes, qui côtoient de vieilles japonaises déglinguées et plus on grimpe dans les montagnes plus les voitures abimées sont présentes. Les 4x4 sont beaucoup plus rares, même pour ceux qui en auraient besoin dans les fermes ou les villages isolés. Eux voyagent à pied, ou en « colectivos » les petits bus très fatigués qui desservent chaque point du pays.

Il paraît que la Colombie est les pays le plus « loco » le plus fou, en termes de circulation. On verra bien !

Trujillo

 

Nous sommes redescendus des montagnes quelques jours, à Trujillo, une grosse ville en bord de mer pour deux raisons. La première, absolument incontournable, est qu’il n’y a pas d’autre route pour rejoindre  Chachapoyas. La deuxième, irrésistible, était, pour moi, la découverte d’une culture Moche ! Hé bien, c’est fait !

Si vous n’êtes pas très au fait de la culture Moche, (prononcer Moché, comme Dayan) ou Mochica, laissez-moi vous initier :

C’est la première culture amérindienne du Pérou ! En gros, à peu près en même temps que les romains chez nous.

 Bon, c’est moche à dire, mais leurs constructions en adobe ont bien moins résisté, et n’offrent rien de spectaculaire. Il faut vraiment être mordus de vieilles civilisations pour trouver de l’intérêt aux Huacas del Sol y de la Luna que nous avons visitées. Quelques restes de fresques et de bas reliefs dans la vaste pyramide qui a été fouillée… Par contre, leurs poteries sont trrrrès belles, et celles de la section érotique du musée de Lima très évocatrices ! Elles ont d’ailleurs été reproduites, énormes, à Trujillo, dans une sorte de parc d’attraction, à côté d’un jardin d’enfants. La société sud-américaine, de ce côté, est bien moins coincée que le Maroc ou même que l’Europe !

Mais à Trujillo, et là, je crois que je vais vous apprendre quelque chose, il n’ya pas que le Moche qui y a élu territoire ! Il y a également le Chimu ! Et oui, on a tendance à l’oublier !  Et si le Chimu n’est pas Moche, il n’est pas lui non plus inoubliable. Du site de Chan-Chan, une ville dont l’apogée date du XIVème siècle, il ne reste que quelques beaux pans de murs qui se découpent en courbes élégantes dans le bleu du ciel et sur fond désertique.

 Ils enferment des espaces clos, des palais qui furent somptueusement décorés et qui font largement appel à l’imagination du visiteur pour se les représenter. Là encore, l’essentiel de la culture Chimu se retrouve dans les musées et leurs très belles poteries, très différentes des Moche, mais sans un brin d’érotisme !


La civilisation Chimu a été « absorbée »  par les Incas (détruite serait plus juste) un peu avant que les espagnols de Pizarro ne viennent à leur tour raser  et piller tout ce qui les avait précédés…

A part ces détails de l’histoire, Trujillo est une grosse ville au centre plutôt agréable avec quelques beaux restes coloniaux, une place entourée de belles façades avec les balcons typiques du Pérou.


Pour répondre à a curiosité de Marie-Caroline, les arbres rouges en Argentine et au Chili étaient des arrayanes et ici au Pérou ce sont des quenales, ils ont l'écorce qui pèle. 















19 janvier 2024

Huaraz-


 Entre Cordillère Blanche et Cordillère Noire




Huaraz est la ville principale d’une vallée fertile nichée entre les deux cordillères, une ville sans cachet particulier, récente, car détruite par le tremblement de terre de 1970 et qui ressemble à toutes les villes et villages du Pérou, une suite de bâtiments jamais terminés, aux tristes façades de briques. Mais elle est animée, vivante, bienveillante et le point de départ d’innombrables treks, randonnées, excursions. Nous avons choisi de faire trois excursions à notre portée, car le point de départ, Huaraz est déjà à 3100 mètres d’altitude. D’ailleurs la première journée d’organisation a été bien utile et à peine suffisante pour s’acclimater.



Le but de la première, lundi était la laguna Llanganuco Chinancocha, mais aussi, et nous ne l’avions pas bien compris une visite mémorielle à la ville de Yungay, rayée de la carte en 70, par le tremblement de terre et l’avalanche qui l’a suivi. 90 survivants seulement !



    Bon, on a compati, et grimpé en minibus, (toutes nos excursions se font dans ce type de véhicule avec des groupes hétérogènes et une guide) jusqu’à la lagune. Un lac de montagne, joli certes, aux eaux glaciaires d’un bleu laiteux, mais on a déjà vu beaucoup. Nos compagnons de route tous péruviens et souvent en famille, achètent toutes les bricoles et grignotages que proposent les vendeuses à la sauvette, font un tour en barque sur le lac, ils sont en vacances ! Nous préférons suivre un joli sentier qui longe une rive du lac au milieu d’une forêt de queñales. Le retour, très long avec des arrêts commerciaux vraiment superflus et inintéressants, nous a déçus. C’était une journée de mise en train !

La deuxième visite avait elle pour but le site archéologique de Chavin, à environ deux heures et demie de route d’Huaraz. La route pour y aller est très belle, avec un court arrêt pour contempler le lac de Querococha, puis la grimpette reprend jusqu’à 4500 m d’altitude au tunnel qui franchit la dernière crête et permet de redescendre sur la vallée de Chavin. Des longues explications de la guide sur la culture Chavin, la première des cultures amérindienne, presque 2000 ans avant les incas et la conquête espagnole, on a surtout retenu que l’on n’en savait pas grand-chose, à part le nom des découvreurs et leur histoire… Mais j’ai sans doute pas tout compris ! Les guides sont locaux bien sûr et parlent espagnol, mais souvent mettent en avant leur culture andine et la persistance du quechua. Cela ne nous facilite pas forcément la compréhension ! Le site par lui-même est intéressant, du moins pour ceux qui aiment ce genre de chose, car infiniment moins spectaculaire que ses homologues incas, mayas, ou, pour être dans la même époque, égyptiens. Mais nous voulions connaître d’autres cultures préhispaniques, que les trop célèbres incas, c’est un début. Pendant la visite de belles averses orageuses nous ont copieusement douchés et le retour sur la longue route s’est effectué sous un déluge.




La troisième excursion, celle d’aujourd’hui, nous semblait compromise par le temps annoncé. Mais non, le bus est arrivé avec seulement une demi-heure de retard et en route pour Pastoruri où nous aurons beau temps toute la journée. Là, pas d’arrêt, juste une petite pause technique et on grimpe. 



D’abord par la route, puis une fois dans le parc, par une longue piste. On traverse ainsi des paysages magnifiques, on s’arrête pour voir une résurgence d’eau gazeuse, mais comme on n’a pas le droit d’y goûter je ne peux la situer entre la Perrier et la Saint Yorre ! 


Un peu plus loin on traverse un paysage peuplé d’étranges plantes des Puyas raimondii, qui poussent leurs fleurs au bout d’un mat de plusieurs mètres et meurent ensuite épuisées par l’effort. 

Enfin, on arrive à 4800 mètres d’altitude point d’arrêt des bus et de départ de la balade. Pas très longue, 2,5 km, avec à peine 200m  de dénivelée, de quoi atteindre le glacier et dépasser de peu les 5000 mètres ! 



Il nous a fallu 45 mn et de nombreuses haltes pour arriver au bout de ce chemin bétonné et contempler depuis le mirador le Pastoruri, un glacier bien malade, qui recule, recule. 2023 et ses records de chaleur, lui a creusé une énorme cavité dans laquelle il s’épanche et se perd. Essoufflés et fiers de l’être nous avons pour une fois pris la pose et avons immortalisé notre record d’altitude. Les péruviens du minibus nous ont gentiment mis la pression et à leur demande instante nous avons échangé notre premier baiser à plus de 5000 ! Il sera sans doute le dernier et pour le plus de 6000, prière d’attendre une autre vie !


Nous sommes redescendus sans la pluie annoncée et plus facilement. Malgré un changement de roue, le retour s’est fait un peu plus tôt que les précédentes sorties. Nous sommes très contents de ces excursions, malgré certains aspects qui nous déplaisent mais qui, visiblement, satisfont tous nos co-excursionnistes. La qualité des paysages et des sites vaut largement quelques menus aménagements à notre conception très personnelle du voyage.

Demain départ pour Trujillo, avec un bus de jour. On vous en reparlera !