17 mars 2015

Bribes...


Valparaiso cité déchue…

Nous y sommes arrivés un vendredi soir…  Beaucoup de  commerces étaient déjà fermés pour le week-end, devantures baissées et les rues n’étaient que de mornes alignements de tôles inévitablement recouvertes de toutes sortes de graffitis, reflétant des talents divers. Dans les rues jonchées d’ordures et de déchets divers, erraient des groupes à la recherche d’on ne sait quoi…

La nuit tombait, nous cherchions en vain de quoi nous nourrir, cette première vision de la ville était inquiétante, une atmosphère glauque un peu comme dans les films post-apocalyptiques. Le retour à l’hôtel et notre première nuit n’ont pas contribué à modifier ce point de vue. A l’hôtel se côtoient des clients d’origines diverses mais dont la moyenne d’âge est d’une indécente jeunesse. Nous y sommes, comment dire… un peu en décalage ! Un groupe de jeunes américains mène grand tapage autour de bouteilles de vin chilien, et tous sortent participer à une sorte de concert d’impros dans la rue devant l’hôtel et sur la placette qui fait face à l’entrée. Un jumbee scande interminablement la nuit, un saxo tente parfois de l’accompagner, une guitare, un harmonica, des voix s’y mêlent. Au fil des heures, elles s’éraillent, s’alcoolisent. Au petit matin la scansion folle s’arrête enfin, les jeunes rentrent bruyamment, ils sont seuls avec eux-mêmes, dehors ne subsistent que quelques voix inarticulées tentant vainement de dominer celles du concert des chiens errants qui vient de prendre la relève. Quand nous sortons un peu plus tard, la place, la rue, le quartier sont couverts de bouteilles vides, de verre brisé, de canettes, contenant en tous genres, sacs plastiques, papiers gras. Les chiens par dizaines fouillent prudemment ces restes humains et parfois lèvent la tête et se mettent à aboyer…

Les jours suivants, nous explorons la ville, partons à l’assaut des multiples collines, montons d’innombrables escaliers, découvrons des « paséos » charmants, aux maisons multicolores. Notre impression première se modère. Valparaiso est une vieille dame, malmenée par la vie, elle s’est flétrie, abimée et elle tente, en repeignant ses murs aux couleurs du street’ art de se redonner une nouvelle jeunesse. Mais ses maisons se ruinent, leurs façades décorées cachent des intérieurs délabrés squattés par d’innombrables mendiants, ou bien accrochées aux collines, leurs tôles battent au vent du large, comme des bateaux d’antan en partance pour un ultime voyage. Par îlots subsistent quelques maisons bien retapées, des bâtiments historiques à l’architecture austère, que l’on montre aux touristes, ceux qui viennent avec des guides dans des minibus aux vitres teintées. Pour les autres, pour nous, on le sait bien le fard, même outrancier, ne répare pas les outrages du temps.

Mais il nous reste, et ce n’est pas rien, cette incroyable exposition vivante, colorée qui a envahi une ville morte, il reste ces cohortes de jeunesse bigarrée, venue de toute part, pour se repaître d’une nostalgie étrange ; entre beat génération de Kerouac, et monde hippie de 68, il flotte ici comme des remugles du flower power. J’ai vu un slogan, taggé sur un escalier : « we are not hippies, we are happies »… Je me suis demandé ce qui était le plus vrai, de la négation ou de l’affirmation, et pourquoi il fallait le dire si fort, comme pour s’en convaincre soi-même. Les deux ne sont d’ailleurs pas antagonistes, j’ai même, il y a longtemps, connu des hippies heureux !

Je finis d’écrire cette bribe, sur la table commune de l’hôtel, coincé entre deux danoises qui apprennent l’espagnol sur des petites fiches, quelques américains et allemands rivés à leurs tablettes et leurs smartphone, les français sont en vadrouille.

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