30 janvier 2022

Désert

 

Depuis Le Caire, nous avons réussi à faire une courte escapade jusqu’au désert blanc. Trois jours, deux nuits, dont une en bivouac. Beaucoup de route, une très belle deux fois trois voies, dont l’usage et la finalité nous demeurent énigmatiques : Les rares usagers utilisent indifféremment l’une ou l’autre voie dans un sens ou dans un autre ! Le sable a rétréci les trois voies en deux, donc tout le monde roule au milieu et se serre quand d’aventure il a quelqu’un à croiser. Finalement, on en revient au fonctionnement normal d’une piste !

    La grande oasis de Al Bahariya nous accueille. Palmiers, vergers et jardins où tout pousse à ravir, irrigués par des sources d’eau chaude dans lesquelles on peut aussi se baigner. Nous la découvrons au cours d’une belle randonnée en 4x4 avant d’aller se reposer dans l’hôtel Hasr El Bawiti, un bien joli endroit. Complètement déserté depuis que le gouvernement a interdit la route des oasis et les déserts au tourisme. Les agences officielles sont obligées de se plier à ses directives, qui n’ont aucune raison objective et finalement bien peu de gens les brave . Nous étions seuls avec un couple de cairotes en balade à occuper les lieux.

 Les gérants font ce qu’ils peuvent pour maintenir un minimum de fonctionnement, mais tout cela tourne plus qu’au ralenti !

 

Le lendemain nous quittons rapidement la grand route, pour explorer d’abord le désert noir, une petite région de désert dont les dunes se couronnent d’étranges concrétions noires issues d’un lointain phénomène volcanique. Le sol est parsemé de petites scories que l’on dirait de métal fondu, mais qui sont plus probablement des minéraux, je ne suis pas fort en géologie !


 Le spectacle est d’une triste beauté, un paysage froid et gris, qui, sous le vent du nord qui soufflait ne nous a pas incités à nous attarder plus que mesure.  

Ensuite, et bien malgré le vent frais, bien trop frais, qui soulevait le sable et nimbait le paysage d’un halo trouble nous avons été conquis par la beauté du désert blanc.


 

 Un désert de sable et de calcaire d’un blanc pur qui affleure et devient banc de neige ou qui s’élève en concrétions encore épargnées par la terrible abrasion du sable. Elles revêtent d’étranges formes, sculptées par le hasard et les rêves secrets des vents. Elles sont vieilles, pourtant éphémères et changeantes et finissent en poussière et sable. Toute la journée, seuls sur des chemins connus de notre chauffeur, nous avons erré dans cette irréalité. A la pause du déjeuner survient une sorte de miracle : Une touffe de palmiers jaillit de nulle part, sur un petit élèvement, et à son pied gargouille une minuscule source d’eau chaude, soigneusement canalisée. Le lieu est connu et recherché, une famille d’Egyptiens, 


de l’oasis proche, est venue y passer une journée en famille. Ils seront notre seule rencontre dans ce qui fut il y a quelques années un endroit prisé. Les anciennes traces à demi-effacées de voitures en témoignent.


 



Un peu avant le coucher du soleil, nous nous arrêtons à l’endroit prévu pour bivouaquer. Une tente y a été plantée, qu’il faut patiemment désensabler. Notre chauffeur, cuisinier, homme à tout faire, Mahmoud s’active comme quatre en chantonnant dans une langue que notre guide ne comprend pas. Un dialecte bédouin dont les racines se perdent sous le sable du désert… Nous nous recroquevillons autour du feu, tandis que le soleil plonge sous l’horizon. La soupe et le tajine nous réchauffent le ventre.

 Avec le soir, le vent faiblit et tombe complètement. Alors un grand silence s’établit et règne la nuit des étoiles. Le froid vient, cristallise leur éclat et celui du blanc calcaire qui nous entoure. Nous obligeons nos corps et nos articulations à se plier au délicat exercice de l’introduction dans une tente et des couchages qui ne sont plus conformes à nos capacités. 


 


Le lendemain, retour au Caire. On retrouve étonnamment vite la grand route, finalement nous n’en étions pas si éloignés, et le bitume défile, bien moins romantique que le désert blanc…


 

24 janvier 2022

Coup de foudre à Abou Simbel




 


    Jeudi, le 20, notre dahabeyha a accosté et nous avons pris une calèche, pour nous rendre au temple de Kom Ombo. Un beau temple ptomélaïque, dont les gravures font, une fois de plus état des connaissances étendues des anciens égyptiens, en médecine cette fois, et observation astronomique. La précision de leur calendrier est stupéfiante pour l’époque ! Quant au temple dédié, à Sekmet, le dieu crocodile, un mauvais dieu, et à son frère dont j’ai oublié le nom, gentil, pour contrebalancer l’influence néfaste du premier.


J’avoue n’avoir pas envie d’approfondir vraiment mes connaissances sur les 4500 dieux du panthéon égyptien ! Leur généalogie compliquée, qui a visiblement inspirée celle des pharaons, à moins que ce ne soit l’inverse, m’émeut moins que les traces de vie laissées par ces graveurs infatigables qui notaient tout sur leurs murs de titans.

    Cela s’est révélé encore vrai à Philae, un temple que l’Unesco a sauvé de la montée des eaux après la mise en service du grand barrage, dans les années 60. Il est sur une île, comme à l’origine, mais celle-là lui garde les pieds au sec.

    Et puis il y a eu Abou Simbel…


Il mérite mille fois le grand détour qu’il impose ! Situé au sud du lac Nasser, dans le pays nubien, c’est lui aussi un temple transplanté, déconstruit et remonté à l’identique un peu plus loin. Notre découverte de cette merveille a commencé le soir, grâce à un spectacle sons et lumières. La mise en valeur de la colossale façade par les jeux de lumière est parfaitement réussie. La scénographie raconte la vie et l’œuvre de Ramses II, qui l’avait lui-même déjà largement mise en scène. Mais les gravures qui défilent sur la façade racontent une épopée digne d’un grand film. 

    Cette épopée a été en partie inventée par le pharaon lui-même, qui maîtrisait parfaitement les médias et les réseaux sociaux.  Il a ainsi réussi à transformer sa défaite face aux hittites en une victoire grâce à des procédés pour le moins douteux. Le bon peuple de l’époque n’y a vu que du feu, mais nous on sait la vérité, grâce aux tablettes du roi hittite qui, non mais, tenait lui aussi à graver son histoire pour la postérité ! Malgré cette hagiographie un peu lourde du pharaon le plus connu du monde, le spectacle est magnifique, et ne donne qu’une envie, celle de revenir le plus vite possible pour une vraie visite ! Ce que nous avons fait dès l’aube, histoire de voir le soleil levant éclairer la façade. 


    C’est vrai que les colosses impassibles changent de couleur au fil de la montée du soleil dans les cieux. Ils passent du rose pâle, au rose, puis à l’orangé… Quand on passe entre eux, pour se faufiler à l’intérieur, on se sent minuscule, dérisoire, comme écrasé par la puissance et la magnificence de ce roi mégalomane. Et l’intérieur est à l’aune de l’extérieur ! Il n’en reste que les gravures magnifiques, les peintures ont presque entièrement disparu ainsi que l’or qui couvrait à profusion certaines statues pillé au début du XIXème siècle par un soi disant archéologue italien dont je tairai le nom pour ne pas être accusé de médisance!


    Le temple de son épouse préférée, Néfertari, (oui, oui, pour ceux qui nous suivent attentivement, c’est son tombeau qui est le plus beau de la vallée des Reines !) est plus petit, bien plus petit, mais très beau aussi. 


Le roi y figure quand même en bonne place, je dirai même dans les meilleures places, il avait vraiment le chic pour se mettre en avant celui-là ! Il se voulait l’égal du dieu Amon Ra, ce qui n’était pas rien !

    Nous avons flâné dans ces temples, comme réticents à l’idée d’en sortir, puis ensuite sur l’immense esplanade, fascinés par cette grandeur. Abou Simbel, il faut s’en arracher, s’en détacher… Ce lieu restera un des grands temps forts de notre voyage.

    J’ajoute que les conditions étaient parfaites : Nous avions, enfin, retrouvé des températures un peu plus clémentes et pas plus d’une dizaine de visiteurs s’éparpillaient sur le site ! Il faut dire que l’heure était très matinale et que la plupart des touristes arrivent plus tard dans la matinée.

    Grâce à cette somptueuse visite, j’ai été guéri d’une certaine lassitude hiéroglyphique qui commençait à me gagner. Oui, visite après visite, l’acculturation gagne et avec elle, l’accoutumance… « Ah ! oui ! Encore un temple ptolémaïque… » « Décidément ils sont moins beaux que ceux de la XVIIIème dynastie… » Et ce Ramses, qui se fourre partout. » Tiens, en parlant de lui, le dernier temple que l’on a visité, lors de notre retour à Assouan, le temple Kalabsha, de l’époque carrément romaine, avec des gravures de facture grossière, est flanqué d’un petit édifice dû à Ramses lui-même, encore tout jeune, 17 ans, il revient victorieux d’une campagne militaire et offre à son père Sethi 1er, le récit de son épopée dans ce petit recoin taillé dans la roche… Début XIXème dynastie, c’est quand même très beau !


    Un jour, peut-être, je me lancerai à vous raconter tout ce que nous a raconté Mohamed…Mais je n’en suis pas capable ! Il nous fait vivre ces fresques comme des livres d’images avec les commentaires écrit pour ceux qui les déchiffrent. C’est, je crois ce qui m’a le plus étonné dans ce voyage. Cette propension qu’avaient les anciens égyptiens à tout raconter, à se raconter, et le fabuleux témoignage qu’ils ont gravé, pendant des millénaires, sur leurs murs de pierre tout le long du Nil.

    Demain, nous quittons Assouan, regagnons le Caire, avant de vivre la dernière partie de notre voyage, une courte excursion dans le désert. Trois jours, deux nuits, c’est moins que ce que j’espérais, mais c’est bien quand même. Peu de chance de blog pendant ce temps, ne rêvez pas !

 
                     Notre dernier article se fera, comme souvent, à notre retour…


    A bientôt !



















19 janvier 2022

Dahabeyha


 


    Nous avons embarqué sur notre dahabeyha… Ce sont d’anciens bateaux de transports reconvertis pour les croisières entre Luxor et Assouan. Ils naviguent à la voile, en principe, et se veulent plus luxueux et authentiques que les grands bateaux de croisière des tours opérators. Nous sommes une dizaine de passagers à bord et il est vrai que depuis ce matin, c’est féérique. Il fait beau, une petite brise gonfle la voile et le remorqueur va bientôt se mettre au repos. Hier était très différent. Nous avons embarqué à Esna après avoir visité la vallée des rois, celle des Reines  et entre les deux le temple de Ramses III.

    De magnifiques tombeaux aux peintures parfois étrangement bien conservées, qui racontent toujours la grandeur des rois et leur ardent désir de se concilier les faveurs de leurs dieux afin de passer le plus harmonieusement possible dans l’autre monde, celui de la vie éternelle. Nous avons payé un très gros supplément pour avoir « la cerise sur le gateau », le tombeau de la reine Nefertari, épouse de Ramses II, 

dont les peintures sont criantes de réalité et semblent dater de la veille ! Le ciel était nuageux, je crois même avoir aperçu quelques gouttes et le vent glacial. Pour nos débuts en dahabeyha, nous n’étions plus sur le Nil mais en train de remonter le St Laurent ou la Léna en hiver ! Nous avions toutes nos valises sur les épaules et les repas sur le pont balayé par cette bise nordique ont 


 été vite expédiés ! Ce qui était dommage car le cuisinier s’était bien appliqué. Pas de voile non plus, le vent était trop fort ! Aujourd’hui, nous avons retrouvé ce que nous étions venus chercher. Pas la chaleur certes, ce n’est pas la saison, mais au moins du ciel bleu et la possibilité d’éplucher un peu l’oignon que nous étions devenus ! Au cours d’une halte dans la navigation nous sommes allés à pied visiter un site intéressant.

 Ce sont bien sûr des tombeaux, mais cette fois de notables et grands prêtres. Ils sont très différents. Plus modestes, bien sûr, mais les scènes racontent tout autre chose : Ce sont des tranches de vie, avec les hiéroglyphes comme commentaires. Des sortes de bandes dessinées d’époque, qui font dialoguer les personnages entre eux, commentent ce qu’ils font. Incroyable ! Avec Mohamed comme narrateur, on s’y croirait ! C’est une immersion dans l’Egypte antique, qui d’après lui, était bien plus belle que celle d’aujourd’hui…C’est possible, mais le récit est peut-être enjolivé, j’ai parfois l’impression que l’histoire que l’on découvre est un peu trop belle pour être vraie ! Il n’empêche, nous sommes entrain de vivre un bien beau voyage !

Au fil du Nil, se poursuit la tranquille balade. 




    Les rives et la lumière sont superbes. Le matin, les crêtes ocre du désert proches se drapent d’une légère brume qui s’irise sous les rayons du soleil montant. Les palmiers se nimbent de flou et les villages se parent d’une touche d’irréel. Puis les couleurs éclatent, deviennent vives, comme celle du tombeau de Nefertari. Le soir tombe vite et le pourpre et l’orange gagnent. Les palmes se font ombres chinoises. On se recroqueville dans les mâchoires du vent.


    Une halte dans un village, sur une île, nous rapproche un peu de la population. Des gens pleins de gentillesse, qui vivent au milieu du grand fleuve dans un petit village planté au milieu des jardins et des vergers.

Les rues en sont malheureusement, comme partout, envahies par les déchets de plastiques, emballages et enveloppes abandonnés au gré du vent par insouciance, indifférence. Ils vivent de peu, en presque autarcie et restent accueillants. Contrairement aux abords des sites, ils ne vivent pas du tourisme et n’harcèlent pas ceux, peu nombreux, qui débarquent. La balade en barque,

 qu’ils proposent, les rémunère et permet à celles et ceux qui s’y prêtent d’admirer la technique de pêche au filet ! Je me suis abstenu mais Françoise, insatiable expérimentatrice n’a pas résisté.