Nous voyageons maintenant depuis un peu plus de deux mois. Souvent
dans les fins de longs voyages, des voyages où l’on a vu tant et tant de
paysages, de sites tous plus beaux les uns que les autres, on se sent un peu
blasé, fatigué de tant de nouveautés, d’étrangeté… Cette fois, c’est loin d’être le cas !
Cette excursion devait être un des points forts de ce voyage et elle l’a été.
Quatre jours d’un long circuit au milieu
de paysages toujours étonnants, d’une variété impressionnante. Le Sud- Lipez,
c’est un désert froid, au bout de l’altiplano bolivien, une région incroyable.
On y trouve un peu tout ce que la planète recèle comme formations
géologiques : Des zones de désert de sable avec de belles dunes dorées,
des déserts d’origine volcanique qui ressemblent à la surface d’un grand gâteau
couvert de copeaux de chocolat, des montagnes bien sûr, des bassins d’eau
chaude dans lesquels on a pu se baigner,
des volcans encore actifs ou en
sommeil, des geysers aux fumées soufrées
avec des bassins comme des grandes marmites de sorcières où bouillonnent
d’étranges décoctions, et des lacs, des lacs aux incroyables couleurs !
Des eaux rouges, colorées par des oxydations métalliques, des eaux vertes, d’origine végétales et chimiques,
des eaux bleues, noires, des lacs enchâssés dans les montagnes,
dans les
déserts, comme des yeux de toutes les couleurs
plantés droit dans le ciel bleu. Le regard du monde braqué sur l’infini…
De cette variété de paysage, celui qui m’a peut-être le plus marqué,
dont je garderai sans doute l’image la plus vivace, c’est le désert de Dali…
Une portion du désert de sable ainsi nommé depuis peu en vertu du spectacle
vraiment surréaliste qu’elle offre. Une longue pente douce de sable doré,
plantée de roches volcaniques aux formes étranges, certaines isolées, d’autres
regroupées en d’étonnantes sculptures naturelles.
On se croirait vraiment dans
un tableau et l’on s’attend à voir surgir la longue silhouette dégingandée de
Don Quichotte errant sans fin dans sa quête improbable…
Du rêve à l’état pur !
Les pistes s’enchainent et le gros Toyota avale du sable, de la
rocaille, de la terre battue et même, à la fin des pistes de sel. L’intérieur
en est confortable et les paysages défilent sans cesse changeants. Aux arrêts,
on s’équipe, car il fait froid ! Bonnets et grosses polaires sont de
rigueur, tout se passe à plus de 4000 mètres et parfois près, très près de
5000 ! On a plusieurs fois dépassé le sommet du Mont Blanc,
altitude pour
nous symbolique que l’on a essayé d’immortaliser en photographiant l’I phone de
Jacques ! Notre chauffeur-guide, Sancho, était très intéressé par cette
application I-tech !
Les gites du soir étaient rustiques, glacials mais de bons repas et
l’heureuse rencontre des jeunes occupants de l’autre 4x4 de l’agence, qui ont navigué de conserve avec nous, nous ont bien aidé à occuper les
soirées.
Discussions, échanges allaient bon train autour de l’inévitable bol de
soupe et du non moins inévitable plat de riz garni ! Ensuite, assez vite,
assez tôt, il fallait se glisser dans le lit glacé, bien habillé, et tenter de
ne pas trop se refroidir sous la tonne de couvertures qui vous immobilise dans
vos draps comme une chape de ciment.
J’avais la désagréable impression, chaque
fois que je me retournais, de soulever mon gros sac à dos ! Autant dire
que les nuits ont été brèves, hachées, inconfortables… Sauf la
dernière ! Arrivés au bord du Salar
d’Uyuni, après une demi-journée de pistes plus monotones, on s’arrête dans un petit village qui offre
beaucoup d’hébergements pour touristes. En fait, les rares villages du Lipez
sont entièrement dédiés au tourisme qui est la seule ressource de la région.
Notre « hôtel » est en sel, de gros blocs de sel épais, et de fait
bien mieux isolé du froid que les maigres murs de brique et toits de tôle des
précédents.
Et luxe suprême, il y a des douches chaudes ! On peut enfin se
laver ! L’eau glacée, dans un froid glacial avait jusqu’alors interdit
toute velléité de toilette chez tout le monde ! On dort bien dans cet
hôtel de sel, on dort bien mais il faut se lever tôt, très tôt afin d’aller
contempler le lever du soleil sur le Salar !
Debout en pleine nuit, vers 5 heures, on monte dans le Toy qui chauffe
moteur tournant, le capot décapuchonné de son emballage nocturne de protection
et on glisse sur le Salar… Pas de piste, le silence, la nuit. Parfois le
chauffeur éteint tous ses feux et l’on roule ainsi, en aveugle, sur le grand
Salar si lisse, guidé simplement par la vague silhouette d’un lointain volcan.
L’impression est assez irréelle ! On arrive à « l’île », presque
au milieu du Salar.
L’impression d’immense solitude se termine, tous les
4x4 des agences se retrouvent là, au
même moment. Il y en a une bonne vingtaine, mais nous sommes en basse saison,
j’imagine l’affluence en juillet-août !
Cette île est encore un étrange phénomène… Cet un massif corallien qui
émerge de cet univers salé, une petite montagne plantée de vieux cactus, que
l’on escalade par de petits sentiers caillouteux, pour voir émerger le soleil à
l’est. Le spectacle est somptueux ! Magnifique ! Incroyable !
Fantastique ! Irréel ! (Je
suis un peu en panne de superlatifs, si vous en avez à me proposer n’hésitez
pas à me les donner en commentaires !)
Le Salar se dévoile lentement, d’abord rosé, sa blancheur
éclatante apparaît petit à petit.
L’horizon recule, le regard porte loin, loin. Parfois un sommet émerge de la
nuit qui se dissipe, les montagnes se dégradent en d’infinis camaïeux. C’est
vraiment très, très beau ! Un lever de soleil qui mérite l’effort à faire,
le froid à vaincre, les doigts gourds pour manier l’appareil photo. On
redescend presque à regrets, mais maintenant le spectacle est figé pour la
journée, le décor est placé jusqu’à la nuit…
On quitte le Salar à la mi-journée, on traverse Uyuni, une ville sans
aucun charme, ni intérêt et l’on va voir la dernière attraction de notre
circuit : Un cimetière de trains, un immense dépôt de ferraille où
rouillent lentement des wagons déchiquetés, de vieilles locos aux carcasses
décharnées, qui s’enfoncent lentement dans le sable…
Encore une vision
étonnante, surréaliste, on se croirait dans un film post apocalyptique, je me
demande si certains ne s’en sont pas inspirés !
C’est là que l’on se sépare de nos jeunes amis, eux partent d’Uyuni,
pour ailleurs, en Bolivie, au Pérou, en Equateur… Que leurs voyages soient sereins et riches, que leurs
routes soient longues et belles, et qu’il nous soit donné encore souvent de
faire d’aussi jolies rencontres !
Nous, nous rentrons à Tupiza… Cinq heures de piste, une route qui,
paraît-il est une des plus belles de Bolivie qui n’en est pourtant pas
avare ! Au début, pourtant ce n’est pas le cas, on longe le Salar et puis
on s’enfonce dans la montagne et là, ce sont les paysages du Sud- Lipez qui
réapparaissent !
La route est vraiment belle, mais nous sommes saturés de beauté,
d’étrangeté, de paysages de rêve, elle ne nous en apporte pas plus… De grands
travaux ralentissent parfois notre lente progression…
Dans quelques années une
vraie belle route redessinée reliera Uyuni à Tupiza. Elle y perdra certainement
une partie de son charme…
Tupiza, dernière étape en Bolivie…
Demain, le 20 mai, en route pour l’Argentine, à Salta, où Luc et
Colette nous accueillent de nouveau…
On vous racontera !