La place El-Hedim, à Meknès est
parait-il une miniature de la bien plus célèbre place Jemaa-el-Fna à Marrakech.
Mais il y a là aussi, toute une foule d’amuseurs, montreurs de singes,
dresseurs de serpents, diseuses de bonne aventure, vendeurs de tout et de rien
à consommer sur place. Un « acrobate » s’installe… Il vérifie son
emplacement, minutieusement, commence par brancher une sono nasillarde, mais
puissante et monte un piédestal branlant perché sur quatre tubes à la solidité
douteuse… Le chaland est rare, capté par
de multiples autres causes. Alors il commence son numéro… de bateleur. Il parle
à son sac, le cajole, fait mine de l’ouvrir mais se ravise, crie des
injonctions, psalmodie des incantations, chuchote des imprécations. Il s’avance
se recule, pose son micro et remet de la musique, puis revient à son sac. Un
gamin, attiré par son manège s’arrête et attend, puis un autre et un autre
encore. Quelques passants se demandent ce qu’attendent les enfants et
s’arrêtent à leur tour. L’homme continue à parler, tourne autour du sac, fait
reculer les spectateurs trop proches, comme si un terrible danger pouvait en
surgir brusquement. Que peut bien contenir ce sac ? Tout le monde se le
demande, quel animal va en bondir et se percher sur le piédestal ? L’homme
parle et parle encore, le cercle autour de lui, grandit, s’épaissit. Il fait
applaudir à l’avance ce qu’il va faire. Grandiose, il ôte son maillot, apparait
en débardeur et effectue fièrement quelques roues et un saut de mains. Torse
gonflé il fait le tour de la piste, se fait applaudir à nouveau et recommence
son discours. Il a abandonné son sac… Mais se dirige vers lui, l’ouvre et en
sort une vieille chaussure et un maillot déchiré. Les gens rient de leur bévue,
ils se sont fait attraper par le boniment qui continue inlassablement. L’acrobate
justifie son appellation par quelques équilibres précaires sur son perchoir,
deux ou trois tours circassiens et harangue à nouveau ses spectateurs. Il
demande des sous pour continuer, il en obtient un peu et fait maintenant entrer
deux jeunes gens sur la piste… Son numéro va continuer. Sans nous, car, perchés
confortablement sur une terrasse qui domine la place, nous avons bien compris
qu’il ne va rien se passer, rien sinon, cet incomparable boniment qui réussit à
ravir la foule juste avec des mots. Des mots qui ne nous touchent guère, nous
n’y comprenons rien. Mais le spectacle était là, sur la place, un acrobate
virtuose, virtuose de la langue !
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