23 août 2019

Bribes…


De forêt et d’eau

J’aime ces lieux étranges qui hésitent entre deux réalités, ces mondes qui entremêlent les éléments, qui ne décident pas vraiment ce qu’ils sont. La Carélie est de ceux là, une terre de forêt et d’eau, de vert et de bleu en été, de vert et de blanc, l’hiver. La terre  joue avec le lac un jeu de séduction et de pouvoir égrenant ses îles et ses îlots, courbes et labyrinthes ; l’eau s’y insinue, s’y love, vient caresser la forêt que se mire en d’infinis reflets. La parade amoureuse ne s’éternise pas. Le froid jette sur l’un et l’autre sa cape de glace et soude pour un temps d’hiver le couple d’amants mutins.

L’homme a investi ces terres hostiles et attirantes à la fois. Elles étaient belles et prodigues, quand le soleil ne s’y couche que pour se reposer un instant de sa folle course, ingrates et dures quand il disparaît dans d’autres mondes, ne laissant qu’entrevoir sa lueur comme un espoir dans la nuit. Les hommes ont dansé avec l’eau et la forêt, une danse de conquête et de survie, des vies de peine et de labeur. Pour vaincre la peur, ils ont bâti des églises de bois, hautes et belles, pour se tenir droits, ils se sont accotés  à un dieu, mais au fond du cœur ils savent que leurs vrais maîtres sont le ciel, l’eau et la forêt. Dans les jours sombres et froids, au rythme lent des prières, se balancent,  les fichus des femmes devant l’iconostase, et  les crêtes des grands pins sous les rafales de vent du nord. Dans les jours sombres et froids, quand l’isba s’emmitoufle et que fume le poêle, quand rôde le loup et les vieilles légendes, les sifflets chasseurs de mauvais esprits reprennent vie auprès de l’icône révérée.

Dans ces lieux étranges où s’interpénètrent les réalités, l’homme vit sa force et sa faiblesse, il s’aide de toutes ses croyances pour écarter la peur du loup qui rôde toujours.

Terre de forêt et d’eau, la Carélie l’est encore et toujours, mais l’homme s’est trouvé d’autres refuges que les belles églises en bois souvent désertées. Comme partout, on le voit souvent prosterné, scrutant désespérément un écran tout puissant, omnipotent, omniscient.

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